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Scolarisation des enfants handicapés : Le parcours du combattant

06-05-2010

Le manque de structures d'accueil et de formation des enseignants sont des difficultés de taille devant une bonne scolarisation des enfants handicapés.
 
Le principe est établi et il est sans appel : les enfants handicapés, tout comme les autres, ont droit à l'éducation. Sauf qu'entre la théorie et les faits, il y a un grand hiatus. Force est de constater que pour un handicapé, le chemin vers l'école est semé d'embûches. Rien que pour inscrire leur enfant souffrant d'un handicap dans une école publique, les parents doivent déployer tout un trésor d'arguments et de garanties. C'est qu'un élève handicapé est toujours perçu comme un fardeau. Son état d'invalidité oblige, il demande de plus amples besoins à l'école et d'une approche pédagogique adaptée. De plus, l'angoisse qu'il perturbe le cours ou gêne ses camarades de classe est omniprésente. De quoi dire que dans bien des cas, les personnes à besoins spécifiques sont des persona non grata dans les établissements scolaires.

C'est exactement le sentiment qu'a eu Fouzia et Mohammed, parents d'Omar, un jeune handicapé moteur, lorsqu'ils ont tenté de l'inscrire dans un collège de Rabat. « Le directeur exigeait des conditions draconiennes pour accepter de scolariser notre enfant. Entre autres, nous devions nous acquitter d'une somme mensuelle d'environ 2000 dirhams destinée à payer l'assistante sociale et le compagnon d'Omar. Finalement, nous avons tout abandonné par découragement », soupire Fouzia. Par contre, le jeune Omar n'a pas lâché prise. Il a réussi à accomplir son parcours scolaire par ses propres moyens. « Aujourd'hui, il suit une formation à distance qui lui a permis de s'autocultiver et de se passer, plus ou moins, de l'enseignement scolaire. Mieux encore, il compose des poèmes en français pour lesquels il a été primé à plusieurs reprises tant au Maroc qu'à l'étranger », ajoute Fouzia fièrement. Même en réussissant, après un parcours de combattant, à rejoindre les bancs de l'école, les élèves handicapés ne se trouvent pas au bout de leurs peines.

L'intégration dans la classe ne se fait pas sans douleur. Déjà, si l'école n'est pas aménagée pour accueillir des élèves handicapés (notamment moteurs), ceux-ci vont souffrir le martyre rien que pour rejoindre leurs classes. « Il faut penser, à l'intérieur des écoles, à aménager des passages spéciaux pour les chaises roulantes, aussi bien à l'entrée de l'école et de la classe que dans la cour de récréation. Aussi, faut-il que les classes accueillant des élèves handicapés soient toujours au rez-de-chaussée pour leur faciliter l'accès. Les W-C doivent également être adaptés et d'une grande superficie », insiste Aicha Detsouli, de l'Association marocaine de soutien aux handicapés scolaires. Outre l'infrastructure, c'est toute l'approche pédagogique qu'on doit adapter aux besoins des élèves en situation de handicap. A cet égard, le modèle pédagogique français peut servir d'exemple.

Dans les centres français de formation des maîtres, les élèves-professeurs suivent obligatoirement une formation de sensibilisation à l'accueil des élèves handicapés. Pour accélérer l'intégration de ceux-ci, un projet personnalisé de scolarisation (PPS) est préparé en fonction de la situation et des besoins de chaque enfant handicapé. Ce projet est mis sur pied par une équipe composée des parents, des enseignants, du directeur de l'école, du médecin, du psychologue ou de l'assistante sociale qui se chargent également d'assurer le suivi de la scolarisation de l'élève handicapé et de signaler toute difficulté rencontrée à une commission spécialisée. Si l'adoption de ce modèle n'est pas tout de suite faisable au Maroc, la moindre des choses serait d'équiper les enseignants d'outils didactiques leur permettant de bien gérer la scolarité de leurs élèves à besoins spécifiques.

Des formations spécialisées les aideront à s'approprier les techniques d'adaptation des cours aux différents types de handicap. Par exemple, il convient quand on explique le cours à un sourd-muet de mettre l'accent sur les images visuelles. Pour le cas d'un élève malvoyant, on privilégie les supports audio et on limite au maximum la production écrite. Et pour rendre le cours intelligible à un handicapé mental, il faut simplifier l'information autant que possible.

Etat des lieux
S'il y a une catégorie sociale qui enregistre le taux le plus élevé d'analphabétisme, c'est bien les personnes handicapées. Les statistiques du ministère de l'Education nationale témoignent de cette réalité. En 2007, seulement 74 730 enfants handicapés âgés entre 4 et 15 ans se rendaient à l'école, soit 30% de leur nombre total. A la même date, le nombre des classes destinées aux enfants handicapés dans les établissements publics était de l'ordre de 185 classes réparties sur 48 sites différents et dont la capacité d'accueil ne dépassait pas 2093 élèves. A l'heure actuelle, le ministère du développement social, de la famille, de la solidarité et des personnes handicapées s'est fixé l'objectif ambitieux de scolariser 70% des enfants handicapés. Mais à en juger la situation actuelle, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre cet objectif.

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Explication: Aicha Detsouli • Conseillère de la présidente de l'Association marocaine de soutien aux handicapés scolarisés.

«Il faut qu'il y ait une école dédiée aux enfants handicapés par arrondissement»
Quels sont les besoins les plus pressants des handicapés scolarisés ?


D'abord, il faut faire la distinction entre les handicapés moteurs et les handicapés mentaux en cette matière. Pour les premiers, il s'agit de leur donner les moyens de se déplacer à l'école : chaises roulantes, déambulatoires… Il faut aussi aménager des structures d'accueil adéquates, notamment des passages spéciaux à l'entrée de l'école, de la classe et dans la cour de récréation. Aussi, faut-il que les classes accueillant des personnes handicapées soient toujours au rez-de-chaussée. Si les handicapés moteurs peuvent parfaitement être intégrés dans une classe ordinaire, il ne va pas de même pour les handicapés mentaux. De par leur situation fragile, ces derniers ont besoin d'être mis dans des classes spécialement aménagées pour eux. Cela dit, il ne faut pas les isoler dans un monde à part. Pour palier tout risque de cloisonnement, il faut prévoir par moments des rencontres avec des élèves sains, pour apprendre aux uns et aux autres les valeurs de tolérance et du vivre-ensemble. C'est ce qu'on appelle des activités de décloisonnement.

Est-ce qu'il faut que l'enseignant réserve un traitement spécifique à l'élève
handicapé ?


Pas forcément. Il faut juste que l'enseignant n'ignore pas que l'élève handicapé a un problème. S'il s'agit d'un handicapé moteur qui a les mêmes capacités mentales que les autres, il n'y a aucun besoin de le traiter différemment. Mais pour le cas des handicapés mentaux, il va de soi qu'ils n'ont pas le même niveau intellectuel que les autres élèves et qu'ils exigent, dès lors, un traitement particulier. C'est pourquoi j'ai souligné au début la nécessité de mettre les handicapés mentaux dans des écoles à part, où ils auront accès à des structures d'accueil adaptées et auront affaire à des personnes spécialisées. A cet égard, il y a un grand déficit à combler. Au moins, il faut qu'il y ait une école dédiée aux enfants handicapés par arrondissement.

Qu'en est-il des actions de l'association en faveur des handicapés scolarisés ?

Nos activités consistent essentiellement dans le don de chaises roulantes et de différents matériels au profit des élèves handicapés pour faciliter leur déplacement à l'école. Dernièrement, nous avons distribué 20 chaises roulantes à plusieurs établissements scolaires. Aménager des airs de jeux et des salles d'études adaptés à l'intérieur des écoles se situe également au cœur de notre action.
En outre, nous dispensons de temps à l'autre des opérations chirurgicales à l'intention de certains élèves atteints de handicaps lourds. Sans aucune subvention de l'Etat, nous continuons à mener toutes ces actions par nos propres moyens.
 
Par Meriem Rkiouak , Le Matin

Source : lematin.m, 06-05-2010

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