11-11-2007
Quatre ans après la promulgation de la loi n°10-03, rien de concret n'a été fait
Mai 2003. L'euphorie est à son comble. La loi n°10-03 relative aux accessibilités a finalement été adoptée. Les personnes handicapées, tous types d'handicaps confondus, pensent enfin être au bout de leurs peines.
Car pour elles, ‘'marcher dans la rue'' relève du parcours du combattant. Entre les trous, des trottoirs impraticables, la circulation chaotique, les déchets encombrés partout… ils sont obligés de slalomer et parfois cela n'est pas aussi simple! Aussi, cette nouvelle ne pouvait faire que des heureux. Mais très vite, l'euphorie fait place au désenchantement et au découragement.
Quatre ans après la promulgation de la loi, les personnes handicapées attendent toujours que les promesses faites soient réalisées. "Depuis 2003, il n'y a pas eu de changement. Cette loi énonce en fait des principes généraux. Par ailleurs, il n'y a pas eu de décret d'application. Du coup, nous ne pouvons rien imposer. Cette loi est donc incomplète. Les normes techniques et les mesures n'ont pas été incluses", affirme Mohamed El Khadiri, président de l'Amicale marocaine des handicapés.
En effet, mises à part des dispositions générales, en cas de non respect la loi, il n'y a aucune mesure punitive ni de sanctions. Les précisions qui y figurent font référence aux structures qui doivent appliquer des normes facilitant l'accès aux personnes handicapées: les constructions ouvertes au public (bâtiments administratifs, commerciaux, d'enseignement, de santé, de formation, sportifs, culturels, touristiques…), les logements collectifs, les espaces extérieurs, les moyens de transport et de communication publics (autobus, autocars, taxis, trains, avions, bateaux…).
En principe, des ‘'cheminements praticables'' adaptés à l'état des personnes à mobilité réduite devaient être créés. Des équipements sonores accompagnant les signaux lumineux, conformément aux normes internationales, devaient être placés à côté des feux de signalisation dans les artères et rues principales pour faciliter la traversée des chaussées aux non-voyants…
Mais rien de tout cela n'a été fait. "En fait, nous sommes à ‘'0+0+0'' concernant l'application de la loi n° 10-03. En fait, il ne s'agit pas d'une loi mais juste d'une suggestion. C'est la même chose pour la loi de 1991 concernant les cartes d'handicapés, 16 ans après, on attend toujours. Les non- voyants représentent 29,2% du total des handicapés au Maroc, et on est mis à l'écart", déplore Rachid Rifaï, président de l'Association marocaine pour la réadaptation des déficients visuels (AMARDEV).
Selon Mohamed El Khadiri, des initiatives auraient été prises par Yasmina Baddou, ministre de tutelle à l'époque avec le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme, "En fait, chaque partie jette la balle à l'autre et pendant ce temps, on attend. Quand nous demandons des explications, on nous dit gentiment que pour l'instant, le Maroc s'est engagé sur des chantiers prioritaires: l'éducation, la santé, la chômage, l'immigration… et que l'handicap ne fait pas partie de ces priorités". Pour essayer de faire bouger les choses, des rencontres ont été organisées par les associations oeuvrant dans le domaine de l'handicap. Cependant, les principaux concernés, à savoir les décideurs, ne daignaient pas s'y rendre.
Aussi, les associations ont décidé de revoir leur manière de communiquer pour que les droits des handicapés soient prioritaires. Un accord est d'ailleurs en cours d'être étudié entre l'AMH et l'Ordre des architectes. Aujourd'hui, avec l'avènement du nouveau gouvernement, les personnes handicapées sont ‘'septiques''. Si avant elles avaient un secrétariat d'Etat chargé d'eux, aujourd'hui, elles n'ont rien.
Tout a été regroupé autour d'un même ministère sous l'appellation "ministère du Développement social, de la Famille et de la Solidarité ". Toutefois, Nouzha Skalli, actuelle ministre du Développement social, insiste sur le fait que ce ministère est une nouvelle entité qui porte certes le même nom que l'ancien ministère mais qui dans son contenu est différent. "La question des handicapés est au premier plan de mes préoccupations. Aujourd'hui, nous faisons le point sur la situation actuelle afin de développer une stratégie nationale pour l'intégration des personnes handicapées.
Et en parallèle, nous travaillons sur un projet de loi concernant les droits de ces personnes. La question de l'handicap au même titre que celle de l'enfance ou l'égalité entre l'homme et la femme sont des priorités. C'est en les intégrant que l'on pourra parler de développement social", affirme-t-elle. Espérons que cette fois-ci ces promesses seront tenues! "On l'espère aussi parce que là honnêtement, on est découragé et on ne sait plus vers qui nous tourner. Faut-il descendre dans la rue pour être entendu !", déclare Mohamed El Khadiri.
Convention internationale
Après cinq années de gestation, la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées voit enfin le jour le 13 décembre 2006 lors de son adoption par l'assemblée générale des Nations unies le 13 décembre 2006. Celle-ci décrit en détail les droits des personnes handicapées et les modalités d'application. "Le Maroc a signé cette convention qui est un texte contraignant.
En la ratifiant, le Maroc sera de cette façon obligé d'harmoniser tous ses textes de lois", souligne Mohamed El Khadiri. En effet, d'après les termes de la convention, les pays concernés s'engagent à élaborer et appliquer des politiques, une législation et des mesures administratives visant à concrétiser les droits reconnus par celle-ci et à abolir les lois, règlements, coutumes et pratiques qui constituent une discrimination.
Ils ont également l'obligation de combattre les stéréotypes et les préjugés et sensibiliser le public aux capacités des personnes handicapées et à leur contribution au développement de la société. Concernant l'accessibilité, la convention exige des pays qu'ils identifient et éliminent les obstacles et barrières et garantissent aux personnes handicapées l'accès aux moyens de transport, aux bâtiments et services publics et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Les pays devront aussi désigner un point focal au sein de leurs gouvernements et créer un mécanisme national indépendant pour assurer la promotion et le suivi de la convention.
Surce : Le Matin, 11-11-2007
Par Dounia Z. Mseffer