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Handicap Vivre dans le noir, un combat au quotidien

11-11-2007


Ziad, Amina, Omar, Mohamed, Khadija… racontent leur vécu
Source : lematin.ma, 11-11-2007     
     
La curiosité à l'égard des non-voyants s'exprime assez spontanément par des interrogations sur la façon dont ils se débrouillent au quotidien. Si pour nous il s'agit d'un cauchemar que de perdre la vue, un cauchemar que nous ne souhaiterions même pas à notre pire ennemi, pour les non voyants, c'est leur vie de tous les jours.
 
Et malgré toutes les difficultés qu'ils rencontrent, ils sont là, solides, prêts à se battre et à prouver au monde entier qu'ils sont tout à fait «normaux». «En fait, je pense que s'il est difficile au voyant de s'adapter aux besoins spécifiques des aveugles, il faut se dire qu'il ne va pas de soi, pour un aveugle, de prendre en compte les repères habituels et les réactions spontanées des voyants. C'est pour cette raison que l'un et l'autre doivent faire un effort pour communiquer», dit Zakaria B. Et c'est justement pour essayer de mieux les comprendre que Ziad Lazrak, Mohamed Benderaz, Omar Taki, Amina M. Zakaria B., Nabil. H, Rachid Rifaï et Khadija Doghmi, ont accepté de partager avec nous leur quotidien.

«Le handicap visuel n'est pas une fatalité. Ce n'est pas parce que je suis non voyant que je suis incapable de jouer un rôle convenable dans la société comme tous les Marocains. Ça c'est ce que pense la société, mais pas nous.

D'ailleurs, vivre dans le noir n'a pas le même sens pour nous», affirme Mohamed Benderaz, non-voyant, ethnomusicologue, mais aussi inspecteur de l'enseignement musical au ministère de la Culture et président de l'association Mafatih Noor pour la musique.

En effet, si pour nous autres voyants, le noir est synonyme d'obscurité, d'abime, pour les non-voyants, cela a une toute autre signification. «Le nôtre a beaucoup de couleurs. Il est éclairé. Ce n'est pas un noir palpable, comme sur les tableaux de peinture. Il est gai, triste, et a beaucoup d'humour. C'est grâce à ce noir que je vois le monde et que le noir n'a pas pu me dévorer», poursuit-il.

Ziad Lazrak, 32 ans, professeur de musique dans une école pour non voyants à Témara et non-voyant depuis la naissance, lui aussi ne voit pas le handicap visuel comme un obstacle. «Je peux tout faire : manger, m'habiller et me déplacer seul, travailler… C'est juste une question d'habitude. On apprend vite à se débrouiller. Il est vrai que pour certaines choses comme aller faire des emplettes, ce n'est pas évident. Je ne peux pas voir les nouvelles tendances à la mode, donc pour cela je fais appel soit à ma famille soit à des amis.

Après, c'est moi qui range le tout en décortiquant chaque vêtement et en les classant en fonction des couleurs…».

«En fait c'est en forgeant que l'on devient forgeron», précise Mohamed Benderaz en souriant. Omar Taki, 28 ans, enseignement de musique dans une école pour non voyants à Taroudant, est un exemple à suivre dans ce sens.

Toujours très propre, beau garçon, il a très tôt dû affronter la cécité. Même si encore aujourd'hui, intérieurement, il a du mal à accepter son handicap, principalement à cause de la société, il a su affronter la vie à bras-le-corps.

En septembre dernier, il a été muté à Taroudant pour enseigner des cours de musique dans une école pour non-voyants. Parti sans sa famille, il a dû se débrouiller pour s'adapter à sa nouvelle vie, prendre de nouveaux repères… Toutefois, cela ne lui a pas fait peur, puisque depuis quatre ans, il habite seul. «Cela fait quatre ans que je vis seul. Je m'habille seul, je cuisine, je fais la lessive, la vaisselle, le ménage… Je me débrouille parfaitement bien, grâce notamment à mes autres sens (auditif, le toucher, le goût, l'odorat)», dit-il.

Et d'ajouter : «c'est vrai que j'ai encore du mal à accepter ma cécité et que je ne prend pas ma canne pour éviter que l'on me stigmatise, mais cela ne veut pas dire que je vis cloisonné dans mon coin. Pas du tout. J'ai plein d'amis sur qui je compte pour m'aider. Mais cela va de soi que dans la vie, il faut se battre et pour cela, il faut déjouer tous les obstacles et ne compter que sur soi-même».

Ne compter que sur soi-même, des propos qui reviennent chez tous.

Nabil H., 25ans, étudiant, a dès le début de sa cécité imposé certaines règles chez lui à la maison.
Des règles qui lui permettent d'obtenir l'indépendance et l'autonomie que tous les non-voyants recherchent : «Chez moi, j'ai mes habitudes et mes repères. J'ai exigé des membres de ma famille de ne jamais rien changer de place sans m'en avertir.

C'est essentiel, car sinon, je ne retrouve plus rien. Grâce au toucher, je reconnais tout : mes médicaments, mes habits… Le seul problème, c'est la couleur, je dois toujours avoir quelqu'un avec moi pour m'aider.

Sinon, je ressemblerais à un clown, dit-il en rigolant, et puis quand j'arrive à un nouvel endroit, je fais attention à ne pas me cogner et je fais le tour des lieux tandis qu'on m'indique la disposition des pièces avec leur description sans oublier de m'indiquer le chemin des toilettes pour y aller seul !».

Toutefois, la vie n'est pas toujours aussi simple. Le regard des autres, les préjugés, les stéréotypes, la pitié, l'incompréhension et le manque de civisme de la société à leur égard…sont autant d'attitudes qui leur font mal et les blessent. Nombreux sont ceux qui se moquent de leur handicap par pure méchanceté. Khadija Doghmi, professeur de piano au conservatoire national de Rabat, et Ziad en ont fait les frais.

«Quand je suis rentrée de France après mes études, j'ai essayé de circuler à l'aide de ma canne blanche afin de ne dépendre de personne. C'était impossible. Les gens me suivaient dans la rue en ricanant. Et souvent, ils attendaient que je me cogne contre un poteau, sans me prévenir du danger.
Avec le temps, on finit par s'y habituer, mais cela peut aussi créer des blocages, comme dans mon cas. Aujourd'hui, je suis incapable de sortir seule. Il m'arrive d'oublier mon handicap, mais les autres sont toujours là pour me le rappeler», dit Kahdija. Ziad a, quant à lui, plusieurs fois été détournée de son chemin sans savoir pourquoi.

Rachid Rifaï a plusieurs fois dû éviter les pierres que lui jetaient les enfants sur son passage lorsqu'il sortait accompagné de son chien guide. «Ce genre d'attitude est dû à l'ignorance et au manque d'informations et de sensibilisation. L'Etat n'a pas joué son rôle pleinement pour donner au citoyen un éclairage sur l'utilité, la force et le rôle que peut jouer un handicapé visuel.

Les gens ressentent souvent de la pitié pour nous, mais très souvent derrière cette pitié, il y a des larmes de crocodiles. Nous n'avons pas besoin de parlotte mais d'actions», dit Mohamed Benderaz. Ziad, lui, préfère être plus compréhensible envers nous autres voyants.

Pour lui, tous ces aspects ne sont que des détails. Même si intérieurement, cette pitié le révolte, il essaye de ne pas laisser exploser sa colère, mais de sensibiliser ceux qui sont autour de lui. «Les aveugles représentent une minorité tout comme toutes les minorités qui existent à travers le monde.

C'est de cette façon que nous devons voir les handicapés visuels, pas autrement», conclut Mohamed Benderaz. Une minorité qui mérite tout notre respect et surtout notre admiration, car malgré les obstacles de la vie, ils sont là souriants, heureux de vivre et prêts à montrer au monde entier tout ce dont ils sont capables. Chapeau bas !

Comment réagir face à un non-voyant

Au moment de parler à un non voyant, n'oubliez pas qu'il ne vous voit pas quand vous le regardez, et ne saura donc pas que vous vous adressez à lui. Il faut donc l'appeler par son nom, ou lui taper sur l'épaule pour attirer son attention.

Si vous discutez avec un aveugle, avertissez-le également au moment où vous partez, cela lui évitera de parler à votre chaise. Et puis, ne vous gênez pas d'utiliser le mot «voir». Un non-voyant parle comme tout le monde, même si les mots n'ont parfois pas la même signification pour lui.

Dans la rue, si vous apercevez un non-voyant, pas la peine de jeter sur la route, ou de se plaquer contre le mur en retenant sa respiration pour prendre moins de place et ne pas faire de bruit, il faut juste se mettre un peu de côté. S'il attend pour traverser, ne le tirez pas par le bras, mais proposez-lui de l'aide, ou dites-lui simplement quand le feu est vert. Pour l'avertir d'un obstacle imprévu sur sa route, dites-lui avec des mots ce qui se passe, et demandez-lui si vous pouvez le guider pour passer l'obstacle.

Il est très désagréable de se faire tirer par le bras ou par la canne, ou pousser comme si on n'arrivait pas à avancer tout seul, et ceci sans un mot. A table, parfois, il faut dire au non-voyant où se trouvent les choses dans son assiette. S'il y a des biscuits, du pain ou autre chose sur la table, dites-le, ne mangez pas tout en silence en vous disant que vous en aurez plus pour vous! Et n'en profitez pas pour piquer dans son assiette ! C'est très impoli et en plus, il s'en rendra compte !
 
Par Dounia Z. Mseffer | LE MATIN

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