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Insertion 1,5 million de handicapés, à peine 746 recrutés dans le public depuis 2000...

30-06-2011



5,12% de la population marocaine est handicapée. Elle se plaint du traitement et de l’attitude injuste de la société. Entre 2000 et 2009, et malgré l’arrêté qui fixe le taux de 7% d’insertion professionnelle par le secteur public, ils ne sont que quelques centaines à avoir été engagés.
population marocaine

«Pourquoi le ministre n’est pas là ? Quel dommage ! Et on parle en plus d’un Maroc nouveau, d’une nouvelle Constitution. On est des jeunes et on a tout à donner à ce pays. Nous voulons être productifs comme tous les autres. Le traitement qu’on nous réserve est injuste. Si notre pays est en train de préparer des réformes profondes, il faut aussi qu’il change de comportement vis-à-vis de notre catégorie». Ce réquisitoire n’émane pas d’un intellectuel sain d’esprit,?lésé?dans?ses droits et qui réclame justice, mais de Soufiane,?un?jeune handicapé mental de 23 ans, devant un auditoire d’une cinquantaine de personnes. C’est dans?les?locaux?de?Hadaf, «l’Association des parents et amis des personnes handicapées mentales» créée en 1997 à Rabat, que ce jeune «handicapé mental» a pris la parole ce samedi 11 juin, à l’occasion d’un colloque organisé par l’association pour essayer d’améliorer l’image des personnes en situation de handicap. C’est au sein de cette association qu’il a appris à prendre confiance en lui-même, à s’exprimer avec aisance, et à montrer qu’il peut lui aussi être productif. Pourvu qu’on s’intéresse à lui, qu’on l’écoute et qu’on lui offre les conditions d’une insertion professionnelle. Il est maintenant chef d’atelier de jardinage au sein du Centre socioprofessionnel pour personnes handicapées mentales, sis Hay Annahda, créé par la même association, Hadaf.
Safia, elle, est âgée de 22 ans, souffre du même handicap depuis sa naissance : «A l’école, j’étais la risée des élèves. On se moquait de moi sous cape, certains me raillaient ouvertement. Maintenant, je suis cuisinière, et je suis plus autonome. J’ai appris à prendre le bus toute seule». Elle a appris même à jouer du tennis, elle représentera d’ailleurs le Maroc aux prochains championnats du?monde?pour?personnes handicapées. Amina Mseffer, présidente de l’association, n’en peut qu’être fière. Elle ne s’arrêtera pas là, elle promet d’embaucher Safia comme salariée à part entière dans la cuisine du centre. Comme Soufiane et Safia, 71 autres jeunes en situation de handicap mental léger profitent actuellement des soins de l’association Hadaf, et des espaces attrayants du centre d’insertion socioprofessionnelle qu’elle a fondé en 2005. Tous veulent devenir autonomes et l’association joue le rôle de relais pour les y aider.

C’est le regard de la société qui est méchant, les personnes handicapées ne sont pas moins créatives

Pour Amina Mseffer, tout est parti d’une expérience réelle avec le handicap. Loubna, sa fille, suite à une toxoplasmose non diagnostiquée, est née handicapée mentale. Un parcours du combattant commence pour elle, dans une société discriminatoire où le handicapé et sa famille sont livrés à eux-mêmes. Après sept ans de tribulations avec la maladie, Loubna intègre le Centre médico-pédagogique Amal pour jeunes handicapés. Miracle : après quelques années, l’amélioration de l’état de la fille est considérable. Cela aurait été impossible sans l’association des parents et sa collaboration avec l’équipe pédagogique du centre.
Ce départ, résume Mme Mseffer, a représenté «une véritable rupture dans la vie de nombreux jeunes comme Loubna. En effet, le centre représente pour les jeunes un lieu d’apprentissage mais aussi un lieu d’épanouissement social. Pour les parents, il constitue une sécurité et un soulagement de voir leur enfant évoluer à son rythme, entouré d’autres enfants». C’est de cette expérience que l’idée de Hadaf et de son centre d’insertion socioprofessionnelle est née.
A 100 kilomètres de Rabat, à Bouskoura exactement dans la région de Casablanca, le monde des personnes en situation de handicap (PSH) connaît depuis quelques années une heureuse expérience, autrement plus enrichissante : le centre Nour, le premier en son genre pour la rééducation physique et de réparation fonctionnelle pour personnes handicapées, créé par l’Amicale marocaine des handicapés (AMH). Là encore, l’initiative revient à une brave femme se mouvant sur une?chaise?roulante,?mais d’une?énergie?débordante. Comme le centre d’insertion socioprofessionnelle de Hay Annahda, le centre Nour n’a pu voir le jour que grâce aux bénévoles, à l’argent collecté des téléthons et à la donation  d’un philanthrope anonyme d’un terrain de 2 ha. Le centre, équipé de tout le matériel d’éducation fonctionnelle nécessaire officie depuis une dizaine d’années au grand bonheur des PSH dépourvus jusqu’alors de structures spécialisées. Pourtant, les ONG dédiées aux handicapés se comptent par centaines. Mais, il faut dire d’un autre côté que la population concernée est importante. Selon la seule enquête officielle sur les handicapés réalisée en 2004, le Maroc en compte près de 1,53 million, soit 5,12% de la population globale (voir encadré). Les statistiques spécifiques à la situation des personnes handicapées publiées en 2008, parlent, elles, d’une prévalence de 2,8%. «Cet écart est dû essentiellement à l’adoption de l’enquête nationale d’une définition très large du handicap qui intègre plusieurs?types?de?déficience sources de ce handicap», nuance Nouzha Skalli, ministre du développement social, de la famille et de la solidarité (voir entretien).

Public et privé rechignent encore à recruter

En plus de pallier le vide en matière de prise en charge et de?réinsertion?socioprofessionnelle des handicapés, les ONG travaillent aussi le plus souvent sur les aspects légaux et législatifs. Objectif : faire en sorte que le Maroc se conforme à la convention des Nations unies sur les personnes handicapées, ratifiée par notre pays en avril 2009, et adopte en urgence le projet de loi 62-09 relatif au renforcement des droits des PSH. Projet de loi qui attend toujours son adoption par le conseil de gouvernement, et qui prévoit, entre autres, la création d’un Fonds national pour la promotion des droits des personnes en situation de handicap. Lequel aura pour mission, informe Mme Skalli, «le développement de la couverture médicale et sociale et des programmes d’éducation, de formation professionnelle et l’encouragement des projets générateurs de revenus».
1,5 million de personnes,  une force économique donc, qui ne demande qu’à être reconnue pour être productive. Et cela passera inévitablement par l’insertion professionnelle, et c’est là que le bât blesse. Les secteurs, public et privé, rechignent encore à engager les handicapés, malgré un arrêté du Premier ministre qui impose à l’administration un quota de 7%. Quant au secteur privé, il y a un projet d’arrêté ministériel qui attend son adoption et qui fixe un quota de 5%. La moisson est dérisoire dans le public : entre 2000, date d’entrée en vigueur de l’arrêté en question et l’année 2009, à peine 746 personnes handicapées ont été recrutées (209 femmes et 537 hommes).
«Toutefois, depuis 2007, ce sont pas moins de 600 diplômés non et mal-voyants et handicapés physiques qui ont été recrutés dans la fonction publique», se félicite la ministre.
Dans le privé, quelques entreprises ont réagi et n’ont pas attendu l’arrêté des 5%. Elles ont recruté parmi cette population, et certaines ne sont pas déçues du rendement. Sur la base de quels critères ont-ils été recrutés ? «Les mêmes que pour tous les autres employés. Quota ou pas, il faut que les entreprises privées fassent un partenariat avec le tissu associatif pour pallier l’insuffisance de l’Etat. Les handicapés ne sont pas moins productifs que les autres, pourvu qu’un traitement adéquat leur soit réservé», répond Ryad Mezzour, DG de Suzuki Maroc qui a recruté trois personnes handicapées. Et elles sont, témoigne-t-il, «parfaitement intégrées». Le CV ne signifie pas «diplôme, mais une qualification, un riche parcours, des aptitudes. Le handicap n’est pas une pathologie, mais plutôt un désavantage social auquel il faut remédier», estime Abdellah Ouardini, pédopsychiatre à Rabat.

Questions à Nouzha Skalli, Ministre du développement social, de la famille et de la solidarité : «Depuis l’arrivée de ce gouvernement, ce sont pas moins de 600 diplômés handicapés qui ont été recrutés par la fonction publique»
«Depuis l’arrivée de ce gouvernement, ce sont pas moins de 600 diplômés handicapés qui ont été recrutés par la fonction publique»

La Vie éco : Qu’en est-il de la loi garantissant et consolidant les droits des personnes en situation de handicap ?

Avant même la ratification par le Maroc de la convention des Nations unies sur les personnes handicapées en avril 2009, notre ministère, chargé de coordonner les politiques publiques en matière de promotion des droits des personnes handicapées, a anticipé en procédant à l’élaboration d’un projet de loi consolidant les droits des personnes en situation de handicap en 2008. Vu la transversalité de la problématique du handicap et la diversité des intervenants dans l’application de cette loi, après un premier examen par le conseil de gouvernement, l’adoption du projet de loi a été reportée afin d’approfondir le débat sur certains éléments avec les secteurs concernés, en particulier ceux qui n’ont pas encore exprimé leurs avis. Le ministère du developpement social est actuellement en contact avec ces secteurs afin de parvenir à une formule de compromis sur ce projet en vue de son adoption, dans le plus bref délai, au conseil de gouvernement. Cela dit, ce dernier vient d’adopter le décret d’application de la loi sur les accessibilités des personnes à mobilité réduite datant de 2003, mais qui a nécessité de grands efforts de coordination pour réunir l’accord de sept ministères concernés.

Que propose ce projet de loi ?

Il vise la consolidation des acquis enregistrés ces dernières années dans le domaine de l’intégration sociale et la promotion des droits des personnes handicapées, en se basant sur les approches droits, le développement inclusif et les principes de l’égalité des chances. Ce projet de loi prévoit, entre autres, la création d’un Fonds national pour la promotion des droits des personnes en situation de handicap. Ce fond aura pour mission le développement de la couverture médicale et sociale et des programmes d’éducation, de formation professionnelle et l’encouragement des projets générateurs de revenus. Ce projet de loi renforce les droits déjà exprimés à travers l’arsenal juridique dont dispose le Maroc en la matière, comme la loi 05/81 relative à la protection sociale des non-voyants ou celle relative à la protection sociale des personnes handicapées, qui a permis pour la première fois au Maroc de disposer d’une définition du handicap au Maroc.

Qu’en est-il des 7% d’insertion professionnelle dans le public et du projet des 5% dans le privé ?

C’est en 2000 que le Maroc a adopté en effet un système de quota de 7% pour l’emploi des personnes handicapées dans le secteur public. A condition qu’il y ait des postes budgétaires pour cela. Notre ministère coordonne avec tous les départements gouvernementaux pour mieux assurer l’application de ce quota de 7%.  Sur 34 départements concernés par cette opération, le ministère a reçu, jusqu’à présent, la réponse de 25 départements avec un effectif total de 746 personnes handicapées recrutées (209 femmes et 537 hommes).
Ce chiffre est clairement insuffisant et illustre les contraintes auxquelles se heurte l’emploi des personnes handicapées, à l’instar des autres diplômés. Toutefois, depuis l’arrivée de ce gouvernement, ce sont pas moins de 600 diplômés non et mal-voyants et handicapés physiques qui ont été recrutés par la fonction publique. En ce qui concerne l’emploi dans le secteur privé, et dans le cadre de la mise en œuvre des engagements du gouvernement, un projet d’arrêté du Premier ministre a été élaboré en vue d’instaurer un quota de 5%.
Ce projet a été soumis à la Primature ainsi que le projet de la circulaire conjointe, relatif à sa mise en œuvre.

Jaouad Mdidech. La Vie éco
www.lavieeco.com

2011-06-30

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