11-12-2010
Considérant l'expérience de l'audio description comme un acquis pour les non-voyants, Rachid Sabbahi, reste très optimiste quant à l'avenir de cette technique au Maroc.
Le Matin : Quel est votre avis sur la programmation d'un film en audio description dans chaque édition du FIFM ?
RACHID SEBBAHI : L'intégration de l'audio description dans le cadre du festival est une expérience unique au Maroc. Je dirais même dans le monde arabe et en Afrique. Ce qui est merveilleux c'est que tout a commencé par une idée qui a fini par se concrétiser. Une certaine personne a soufflé l'idée à une autre, qui n'est autre que le secrétaire général du festival, qui l'a appréciée et l'a proposée à la fondation du festival. Cette dernière institution a, tout de suite, pris le risque de la réaliser. C'est ainsi qu'elle est passée d'une simple idée à une aventure.
C'est une expérience pionnière dont l'objectif est de permettre à une certaine catégorie de personnes de pouvoir se rendre au cinéma pour suivre des films. C'est donc une manière de montrer tout l'intérêt qu'on porte à cette tranche de la population au Maroc.
Pensez-que vous que c'est suffisant pour permettre aux non et mal voyants d'accéder au cinéma ?
Je vais vous dire une chose. Il ne faut pas s'attendre à ce que tout soit parfait dès le premier jour. Les choses commencent doucement et ont besoin de temps pour qu'elles puisent aboutir. Pas à pas, beaucoup de choses vont se réaliser. On peut même s'arrêter de temps en temps pour prendre son souffle avant de continuer son ascension. Il ne faut nous demander si nous allons réussir. Il faut commencer par tenter et ne pas s'attendre à avoir un résultat parfait dès le début. Il est évident que cela ne peut être possible. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas faire tout ce qui est en son possible. Le résultat sera visible dans l'avenir.
Nous avons produit deux films avec la technique de l'audio description alors qu'aucun pays arabe ne l'a encore fait. Même en France où les techniques sont plus développées, ils ont réussi à produire quelque 350 films. Au Maroc, avec nos moyens nous réussissons à produire un film par an, grâce à la fondation du Festival. Notre souhait est que les chaînes télévisées ainsi que les sociétés de productions puissent produire des films en audio description à côté des autres films.
En dehors du festival, cette technique n'est pas encore appliquée n'est-ce-pas ?
Pour le moment non, mais cela ne veut pas dire qu'il en sera ainsi pour toujours. Rien que le fait qu'elle existe dans le cadre du festival, c'est déjà un acquis très important. Au moins une fois par an, un certain nombre de mal et non-voyants (une centaine environ) ont la possibilité d'accéder au cinéma, quoique ceux qui ont ce privilège forment une élite. Nous les sélectionnons parmi les personnes instruites, capables de comprendre la langue française et qui ont un niveau d'instruction assez élevé. Nous avons des critères de choix que nous respectons.
En suivant des films en audio description, quelles étaient vos impressions ?
Laissez-moi d'abord-vous dire que si un non-voyant suit un film normalement, il en rate les 2/3. Il ne comprend et ne sait pas ce qui se passe pendant les moments de silence. Il ne sait rien non plus de la gestuelle des acteurs. Il entend juste la voix mais si on ne lui raconte pas ce qui se passe il risque de n'en rien savoir. La vue grâce à la description est très significative.
Est-ce à dire que cette technique parvient effectivement à vous aider à suivre et à comprendre un film correctement ?
Pas à 100%, mais disons à 80 %, ce qui n'est pas négligeable. Avant quand on voulait suivre un film, on faisait appel aux services d'une tierce personne. On lui demandait constamment de nous décrire ce qui se passait. Ce qui fait qu'on dérangé cette personne.
Aujourd'hui c'est quoi votre souhait par rapport à cette technique ?
Je demande aux sociétés de productions et aux chaines télévisées de penser à cette tranche de la population et de produire des films qui intègrent la technique de l'audio description. Dans un deuxième plan, je demande aux cinéastes et aux réalisateurs de mettre, dans un premier temps, les droits d'usage de cette technique à la disposition des institutions et par la suite de les commercialiser. Il faut que les choses soient faites dans la légalité pour ne pas usurper les droits des producteurs et des réalisateurs.
Trouvez-vous que les mal et non-voyants revendiquent assez leurs droits ?
Il est certain qu'ils espèrent que tout cela se réalise. Mais ils essaient d'adapter leurs exigences aux moyens disponibles. Au début, comme je vous ai dit, tout a commencé par une idée qui a été adoptée par la direction du Festival. Je voudrais remercier à ce propos, Jalil Laguili, secrétaire général de la Fondation du Festival, ainsi que Nadia El Hansali qui a contribué à l'écriture des textes du film de l'année dernière et de celui de cette année.
Et je remercie spécialement son Altesse Royale le Prince Moulay Rachid sans lui, cette initiative n'aurait jamais vu le jour.
C'est surtout grâce à Lui que cette expérience a été inscrite dans la durée parce qu'au début il était question de la programmer juste une seule année en tant qu'expérience exceptionnelle au Maroc ou une surprise du festival. Mais après le succès fulgurant de la première année, il a décidé d'en faire un rendez-vous constant dans le Festival.
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Succès de l'audio description
Suite au succès rencontré l'année dernière par les projections de films destinées au non-voyants et malvoyants, le Festival International du Film de Marrakech a intégré cette année à sa programmation sept nouveaux films en audio description parmi lesquels le second film marocain adapté par la Fondation à cette nouvelle technique. Il s'agit de «La symphonie marocaine» de Kamal Kamal. La Fondation a fait appel à deux jeunes acteurs marocains, Amal Saqr et Hicham El Ouali, pour prêter leurs voix à la narration du film. Le film a été présenté le jeudi 9 décembre à 15 heures dans la salle des Ambassadeurs du Palais des Congrès.
Source : lematin.ma , 11-12-2010